MER EN MER…

Area Revue)s( no 12 – Paris
1. Territoire

Il me plait de me trouver dans les territoires mystérieux de l’entre deux, lieux de transition, sans signification ni intention, dont l’existence est le fruit du hasard.
Ce « territoire » est un lieu imaginaire dans lequel j’aime errer quand je travaille.
Là où elle rejoint la mer, la terre perd sa présence palpable et se transforme de manière toujours changeante. C’est un no man’s land inexplicable qui ne prendra jamais forme et est perpétuellement en mouvement. C’est le moment où le départ et l’arrivée se confondent.
Quand je pense à l’estran de la côte de Hollande, un désir irrésistible surgit en moi. C’est sans doute pourquoi j’ai entamé un « voyage imaginaire », un tour du monde « vers l’ ouest », désir d’inconnu, curiosité pour le non-connu, qui m’a conduit à traverser continents, océans et îles. La quête.

venetiaans water

L’eau de Venise

2. Eau

En 1983 j’ai enregistré les bruits de Venise : l’eau clapote et frappe les quais, un bateau à moteur accoste, dans le lointain on travaille sur un chantier naval, on donne des coups sur un tuyau de fer, une fontaine murmure, des voix d’enfants se réverbèrent sur l’eau… Même si l’eau de Venise vient de la mer, elle est intime comme celle d’un ruisseau. Cette bande sonore, métaphore de la beauté de la ville, la rend palpable, fait surgir les images.
D’autres souvenirs me reviennent. L’eau qui étanche la soif. La bruine qui trempe jusqu’aux os. La buée sur les vitres quand le temps est âpre. Un robinet qui goutte la nuit. Un ruisseau gelé bordé de cactus dans la lumière du matin. Une mare cachée qui remplit lentement une source sacrée. Un oiseau de paradis aux plumes bleues qui siffle, comme si une planche tombait dans l’eau. Le aquement aigu de la glace lorsqu’un glacier tombe dans les fjords du sud. La force symphonique de chutes d’eau qui soufflent des nuages de brume où se forment des arcs-en-ciel. Un garçonnet jouant avec un voilier miniature dans la mer en été.
Accords d’un morceau de musique complexe, histoire sans début ni fin, constamment présentes, exorcisme d’images.
C’est de la que provient la série Mer dans la mer, eau dans l’eau.

Venetiaans-Water-audio

Travail Sonore 2005

traduction: Frédérique Le Graverend